NAPOLI SUBLIME
Les photos de Le Anime Pezzentelle di Napoli ont été présentées à la Galerie « L’Arbre du Monde « pendant les rencontres d’Arles du 26 juin au 31 Juillet 2018
Direction : Pierre Grand
Puis dans une nouvelle forme intitulée NAPOLI SUBLIME, à la Galerie « Les Docks d’Arles » en Octobre 2019
Direction : Marie Françoise Bechetti
Le Anime Pezzentelle di Napoli est un projet éditorial ainsi que théâtral et musical réunissant Jean Luc Dubin, photographe et plasticien, Florian Villain enseignant en philosophie et sociologie, musicien, et Simona Morini, fondatrice de la Compagnie Errance
Per ricevere la generosità, l’amore dei paceri e del ben vivere che fanno l’identità dei Napoletani, il lavoro del fotografo francese Jean-Luc Dubin consiste ad osservare la vita quotidiana dei vicoli e dei rapporti umani attraverso il prisma del culto unico delle anime del Purgatorio che si praticava nei sotterranei della città partenopea a partire del Seicento. Tra rituali di morte offerti all’urgenza della vita e rituali di vita condivisi per prepararsi alla morte, hic et nunc e colletivamente, lo sguardo dell’artista ci aiuta a capire che il dono al suo prossimo e la riconoscenza dell’umanità anche di esseri come dei crani anonimi, tanto lontani di noi, costituiscono u0a delle più sicure condizione percompiere il viaggio dell’esistenze in questo Purgatorio di tutti giorni, del quale Napoli offre uno dei più ammirevole palcoscenico.
C’est donc en (se) donnant l’impression de faire ces petits arrangements avec les morts que les Napolitains justifient le mieux – le plus efficacement – leur tradition. On y retrouve cet art de l’« arrangiarsi », l’art de s’arranger qui conclut souvent certains discours que les Napolitains portent sur leur ville pour la décrire. L’art des petits arrangements renvoie à une certaine aptitude à s’adapter à toute situation par cette vertu des harmonisations spontanées, fruits de la ruse et d’une propension à la persuasion dans les négociations. De sorte qu’on ne peut pas réduire ces pratiques traditionnelles à ce que d’aucuns appelleraient une attitude naïve. Il y a non seulement de la rationalité dans cette tradition, dans la mesure où elle instaure des moyens qui ont une certaine efficacité, mais aussi ces moyens résultent-ils d’une conscience capable de mentir – aux autres autant qu’à soi-même – pour parvenir à ses fins.
Dès lors pouvons-nous saisir la véritable portée de ces apparentes prières votives : et si le mimétisme religieux n’était qu’un prétexte nécessaire pour communiquer avec les autres femmes du quartier, pour partager ce qui ne peut l’être dans le contexte, domestique, des maisons ni celui, publique, de la rue ? Toutes ces apparentes actions votives ou de grâce, toutes ces paroles de remerciement ou de plainte sont entendues et comprises par les autres dévotes qui fréquentent les souterrains. Les demandes apparemment adressées aux crânes sont avant tout une façon d’énoncer, pour chaque dévote, leurs préoccupations courantes et personnelles qu’elles pourraient tout à fait partager avec des amies dans des espaces privés ou discrets. (…)
En somme, la véritable parole donnée est moins à chercher dans ces adresses à l’au-delà, qui se font passer pour des prières, que dans ces échanges conviviaux entre des femmes pauvres qui viennent ainsi former une véritable société et nouer des liens que seules les traditions sont capables de créer. Des liens au sein desquels l’on se sent suffisamment en confiance – au sens presque littéral du partage de la foi – pour accepter de se livrer sans risque. Le culte napolitain des âmes du Purgatoire constitue en ce sens l’indice d’un besoin pour ces femmes d’unir à cette occasion leurs forces, ailleurs inhibées par une certaine domination masculine.
Il faut donc y voir la réponse spontanée à un besoin de solidarité face à toutes les difficultés que peuvent rencontrer les organisatrices du foyer. De sorte qu’il n’est donc pas illégitime de considérer que ces pratiques relèvent de ce que Mauss nommait « fait social total », dans la mesure où elles résident dans ce jeu mimétique de la convivialité domestique où l’hospitalité relie et oblige, adressée ici en apparence aux morts, mais à travers laquelle ces femmes, qui ne se fréquentent pas forcément en dehors du rituel, partagent des moments de vie quotidienne et se soutiennent dans l’épreuve, comme on le fait dans les quartiers plus fortunés à la terrasse de cafés, autour d’une bibita ou d’un gelato, auxquels on doit ce fameux rinfresco.
Florian Villain, « Prière pour les âmes du Purgatoire à Naples. La parole donnée, au-delà du donnant-donnant », Revue du MAUSS, vol. 50, n°2, 2017. https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2017-2-p-119.htm