Portraits de famille
Les photographies de Jean Luc Dubin font partie de la famille, comme autrefois, la photo de mariage, ou celui du gosse à la communale, sur la cheminée ou sur la télé, comme aujourd’hui les photos qu’on voudrait plus spontanées, des mêmes personnages mais sans uniforme, fleurissant sur les supports les plus divers. Mais les photos de Jean Luc Dubin sont des oeuvres d’art, elles centrent l’espace autour d’elles.
Les sujets – un homme, un enfant, une femme, un groupe se détachent sur un fond entièrement noir : l’environnement disparaît, ses interférences aussi. Du coup cette vieille expression du sujet prend une vigueur qu’on croyait perdue. Il faut dire qu’on ne voit que lui, qu’il occupe une grande partie du champs, non pas une seule fois comme dans les portraits ordinaires, mais deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf,.. fois – on ne les compte pas toutes -, dans toutes les attitudes, sous tous les angles, heureux tristes, songeurs, fâchés criant, souriant, dormant, les yeux ouverts ou fermés…. On le regarde, on passe d’une attitude à l’autre, on regarde le sujet se regarder. On jurerait qu’il nous regarde se regarder. C’est qu’il y a dans ces multiples images du même corps aucune volonté de le décomposer – un mouvement, par exemple, que l’artiste ne cherche qu’à juxtaposer.
La seule unité qu’il accepte justement, c’est le sujet. Unité de temps, d’action, de lieu. Unité de mesure de lui même. On en est troublé ; ça bouge sans aller dans aucune direction. On en est ému. On ne croyait plus que cela soit possible de cette façon.
Il n’est guère étonnant qu’à voir les photos de Jean Luc Dubin on se dise : “l’art est une affaire de famille”
François Boisivon